Les yeux grand fermés

Quand pour vivre en société il devient obligatoire de singer les primates dominants

Quand la politesse est suspecte d’être le faux-nez de la condamnation morale 

Quand leur  exhortation à jouir se fait plus pressante

Alors nous savons que c’est la mort qui les taraude, ronge et éprouve

Et ils voudraient couvrir leur peur d’un bruyant éclat de rire

Se divertir à en mourir, et vous venez tout gâcher

Car dans votre regard ils ne reconnaissent pas la même frayeur

Qui êtes-vous pour vous permettre de ne pas l’étouffer sous nos ricanement?

  Ils se sont dit, raisonnant de travers: «Il est court et triste le temps de notre vie, et, quand vient la fin d’un homme, il n’y a point de remède; on ne connaît personne qui délivre du séjour des morts.
Le hasard nous a amenés à l’existence, et, après cette vie, nous serons comme si nous n’avions jamais été; le souffle, dans nos narines, est une fumée, et la pensée, une étincelle qui jaillit au battement de notre coeur.
Qu’elle s’éteigne, notre corps tombera en cendres, et l’esprit se dissipera comme l’air léger.
Notre nom tombera dans l’oubli avec le temps, et personne ne se souviendra de nos oeuvres. Notre vie passera comme une trace de nuée; elle se dissipera comme un brouillard, que chassent les rayons du soleil, et que la chaleur condense en pluie.
Notre vie est le passage d’une ombre; sa fin est sans retour, le sceau est apposé et nul ne revient.
«Venez donc, jouissons des biens présents; usons des créatures avec l’ardeur de la jeunesse,
enivrons-nous de vin précieux et de parfums, et ne laissons point passer la fleur du printemps.
Couronnons-nous de boutons de roses avant qu’ils ne se flétrissent.
Qu’aucun de nous ne manque à nos orgies, laissons partout des traces de nos réjouissances; car c’est là notre part, c’est là notre destinée.
«Opprimons le juste qui est pauvre; n’épargnons pas la veuve, et n’ayons nul égard pour les cheveux blancs du vieillard chargé d’années.
Que notre force soit la loi de la justice; ce qui est faible est jugé bon à rien.
Traquons donc le juste, puisqu’il nous incommode qu’il est contraire à notre manière d’agir, qu’il nous reproche de violer la loi, et nous accuse de démentir notre éducation.
Il prétend posséder la connaissance de Dieu, et se nomme fils du Seigneur.
Il est pour nous la condamnation de nos pensées, sa vue seule nous est insupportable;
car sa vie ne ressemble pas à celle des autres, et ses voies sont étranges.

Ils se croient libérés donc libres, autruches!

Comme ces femmes qui ont quelque peur

Et se voilent la face l’inconnu les menace

Ils vantent les choix les plus absurdes

Ne jurent que par le libre-arbitre

Mais sont les premiers à vous damner 

Ecartez-vous des prêcheurs de tolérance!

La proclamer n’est pas la désirer

Et la désirer n’est pas la réaliser

De cela certains ont conscience

Et ils en redoublent de haine

Celle qui les habite les dévore pourtant ils s’épargnent

Et vous éreintent sans relâche et sans grâce

Il est alors plus doux de rejoindre la ronde des insouciants

Car la solitude est fardeau plus lourd que le courage

Et c’est ainsi que tant de gens de bien cèdent

Virevoltent en tempo infernal au milieu des spectres rigolants

Les yeux grand fermés.